Paris. Philharmonie. Cité de la Musique. Salle des Concerts. Mercredi 30 avril 2025
L'unique concert de l’Orchestre de Paris cette semaine s’est tenu à la Cité de la Musique, avec un programme éclectique et original dirigé par Holly Hyun Choe, lauréate du concours Maestro 2020 et nouvelle directrice musicale de l’Orchestre de la radio norvégienne, qui a un sens du discours, du rythme et du Groove collé au corps, mais aussi du chant, avec en solistes deux des premiers pupitres de l’Orchestre, le hautboïste Alexandre Gattet et la violoncelliste Stéphanie Huang.
Le chant était la qualité première de ce programme et de ses interprètes, tous musiciens de l’Orchestre de Paris, sous la houlette de son violon solo Eiichi Chijiiwa, comme l’atteste l’onirique et mozartien Concertopourhautbois et petit orchestre en ré majeur de forme, d’esprit et de durée classiques que le Bavarois Richard Strauss (1864-1949) a composé à Garmisch-Partenkirchen en 1945 pour répondre à la demande d’un caporal de l’armée US venu lui rendre visite sans s’annoncer, John de Lancie, par ailleurs hautbois solo de l’Orchestre de Pittsburgh pour qui, à 79 ans, il a conçu une partition d’une vigoureuse jeunesse. L’œuvre a été magnifiquement servie par le brillant Alexandre Gattet, premier hautbois solo de l’Orchestre de Paris depuis 2001, à qui ses confrères ont instauré de véritables dialogues d’une luminosité céleste. Du Groove, il n’en a pas manqué sous la direction impeccablement ciselée et rythmiquement animée de la cheffe Américano-Coréenne Holly Hyun Choe à qui les musiciens de l’orchestre ont dextrement répondu en offrant de revigorantes Trois Danses de OntheTown du compositeur chef d’orchestre états-unien Leonard Bernstein (1918-1990).
La seconde partie a été ouverte dans l’émotion la plus intense avec les admirables SeptPapillons de Kaija Saariaho (1952-2023) par la jeune violoncelliste belge Stéphanie Huang, élève de Marc Coppey, Emmanuelle Bertrand et Gary Hoffmann, lauréate du Concours international Reine Elisabeth de Belgique 2022 et premier violoncelle solo de l’Orchestre de Paris depuis janvier dernier, à la technique infaillible et à la sensibilité à fleur de peau, dont l’exaltante interprétation du chef-d’œuvre que la compositrice franco-finlandaise a dédié en 2000 à son instrument favori et à son ami et compatriote Anssi Kartunen était précédée et suivie par deux poèmes sur la brièveté de la vie, Le Papillon apparemment d’Alphonse de Lamartine et Chant d’oiseau d’un poète non précisé, dits avec une fraîcheur juvénile par Thaïs Ribeiro, membre du Chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris.
Le concert s’est conclu sur la courte
et artificiellement optimiste Symphonie n° 9 en mi bémol
majeur op. 70 composée la même année 1945 que le Concerto pour hautbois de Richard Strauss qui ouvrait le concert
par Dimitri Chostakovitch qui lui valut de virulentes critiques de Staline. Composée en août 1945, créée le 3 novembre de la
même année sous la direction d’Evgueni Mravinski, cette partition de moins
d’une trentaine de minutes est l’une des plus insouciantes et joueuses de
Chostakovitch, qui a ainsi pris le régime communiste à contre-pied, au grand
dam du « petit père des peuples », qui en a conçu une profonde et irrévocable
amertume. Staline attendait en effet une œuvre grandiose avec chanteurs solistes,
chœur et grand orchestre digne héritière de la Symphonie n° 9 en ré mineur de Beethoven érigée à sa gloire et
célébrant la victoire de l’armée rouge sur le nazisme. Or, il n’en fut rien, le
compositeur saisissant l’opportunité pour déjouer les attentes du régime
bolchévique, l’œuvre reçut un accueil pour le moins mitigé. Chostakovitch avait
en effet décidé d’éviter la grandiloquence et la pompe au profit de la bonne
humeur et de l’exaltation, sans parvenir pour autant à masquer son inquiétude personnelle
sous l’éclat circonstancié de sa musique. Néanmoins, seul le Largo est d’essence dramatique, avec de
graves sonneries de trompettes et d'impressionants récitatifs de basson. Ce sont
d’ailleurs les moments les plus introspectifs qui sont les plus significatifs
de cette symphonie. Instants que la Holly Hyun Choe et l’Orchestre de Paris ont souligné
avec ferveur et virtuosité, exaltant la diversité et la plastique du chant des
pupitres solistes avec une grâce et une précision remarquables.
Bruno
Serrou