Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Jeudi 16 mars 2023
C’est en 1991, et non pas 1993 (sauf erreur de datation dans la documentation d'usage), que Laurence Equilbey a fondé l’ensemble vocal Accentus, chœur qu’elle oriente tout d’abord vers la création contemporaine et le répertoire a cappella. En 1996, Accentus travaille avec le maître de sa fondatrice, le chef suédois Eric Ericson, et obtient deux ans plus tard une résidence à l’Opéra de Rouen-Normandie. Il s’ouvre alors à l’oratorio et à l’opéra, du baroque à nos jours. Après la création mondiale de deux partitions de Pascal Dusapin, Granumsinapis en 1998 et Donaeis en 1999, et la première française Théâtre du Châtelet de l’opéra Outis de Luciano Berio en 1999, Accentus participe en 2000 à une tournée de l’Ensemble Intercontemporain dirigé par Pierre Boulez, notamment aux Etats-Unis…
En 2017, Accentus ouvre le CEN, centre de ressources pour l’art choral qui met à disposition le fonds de l’ensemble constitué quinze ans, partitions, enregistrements, traductions, recherches, publications, avant de créer le Centre national d’art vocal.
C’est donc avec près de deux ans de décalage que l’ensemble vocal célèbre son trentenaire, sans doute en raison de la pandémie de Covid-19… Trente ans d’Accentus célébrés par sa fondatrice Laurence Equilbey avec son Insula Orchestra qu’elle a fondé voilà onze ans, qui ont permis d’entendre des œuvres trop rarement jouées de Félix Mendelssohn-Bartholdy pour chœur et orchestre.
La musique religieuse chez Mendelssohn occupe une place importante, dont la part la mus célèbre sont les oratorios Paulus et surtout Elias. Mais ce chef de chœur d’église à Düsseldorf et organiste de la cathédrale de Berlin, était surtout redevable à Jean-Sébastien Bach, puissante figure tutélaire, au point que comme son aîné et plus tard Anton Bruckner, il dédiera un certain nombre de ses œuvres au Créateur. Laurence Equilbey a sélectionné trois œuvres sacrées, couvrant la période 1831-1847, commençant son parcours par la Cantate« VomHimmelhoch » qui suit précisément le modèle du cantor de Leipzig, y compris sa structure, pour finir sur des pages de l’oratorio Christusop. post. 97 sur lequel le compositeur travaillait au moment de sa mort en 1847, dont les deux extraits ont été ponctués Mar un autre extrait, bien trop court, tiré des Fragmenta Passionis (Fragments de la Passion) que Wolfgang Rihm (né en 1952) a composés en 1968. Ce qui aura permis à la cheffe d’orchestre que ses ensembles ont quelques attraits pour la musique de notre temps, tandis que plusieurs passages a capella ont mis en valeur Accentus, qui pour l’occasion aura compté trente-six membres. Mais le point fort de la soirée a été la cantate profane Die erste Walpurgisnacht (La première Nuit de Walpurgis) op. 60, cantate aux forts accents romantiques composée en deux phases, en 1830-1931 et 1842-1843, œuvre puissante pour trois chanteurs solistes, chœur et à l’orchestration fournie.
Si la dernière pièce réunissait mezzo-soprano, ténor et basse, le programme aura fait en plus donné à une excellente soprano l’occasion de briller, Hélène Carpentier, à qui Laurence Equilbey a offert l’occasion de s’illustrer une dernière fois dans le bis qu’elle a offert au public pour le remercier de son enthousiasme. Ce quatuor vocal quasi parfait a été dominé par l’impressionnant ténor Stanislas de Barbeyrac et le vigoureux baryton Florian Sempey, tandis que la contralto Hilary Summers, au timbre soyeux, a manqué de puissance pour l’imposer. Le chœur Accentus est comme toujours très homogène, mais l’orchestre s’est avéré blafard avec ses instruments et leur jeu « historiquement informés » (parmi les cuivres deux trompes en lieu et place de trompettes), la direction, trop raide, bloquant flamme et nuances.
Bruno Serrou