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Channel: Classique d'aujourd'hui, blog d'actualité de la musique classique et contemporaine
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Le Festival des Arcs ou la musique de chambre au rythme des intempéries

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Les Arcs, Bourg-Saint-Maurice / Savoie, Académie Festival de musique des Arcs, jeudi 24 et vendredi 25 juillet 2014

Les Arcs 1800. Photo : (c) Bruno Serrou

Les deux derniers jours de mon sĂ©jour Ă  l’AcadĂ©mie Festival des Arcs 2014 ont Ă©tĂ© placĂ©s sous le signe du quatuor Ă  cordes, et de deux des dix Traces de Martin Matalon.

Jeudi 24 juillet

Le jeune Quatuor Akilone, constituĂ© exclusivement de femmes (Emeline ConcĂ© et Elise De-Bendelac, violons, Louise Desjardins, alto, et Lucie Mercat, violoncelle) a proposĂ© en fin d’aprĂšs-midi Salle des FĂȘtes de Bourg-Saint-Maurice un programme ambitieux rĂ©unissant deux chefs-d’Ɠuvre pour quatuor d’archets de compositeurs « Mittle Europa », « les Quintes »de Joseph Haydn (1732-1809) et « Lettres intimes » de LeoĆĄ Janáček (1854-1928). Ces deux grandes partitions Ă©taient prĂ©cĂ©dĂ©es, Espagne oblige, d’une page mĂ©connue et de moindre envergure de JoaquĂ­n Turina (1882-1949), « la OraciĂłn del torero » (La priĂšredu torero) op. 34 de 1925 dans sa version pour quatuor Ă  cordes (l’original est pour quatuor de luths) constituĂ©e d’une brĂšve introduction et de deux pasodoblesencadrant deux lents intermĂšdes. Une piĂšce passe-partout emplie d’allusions folklorisantes type espagnolades Ă©tonnantes chez un Espagnol bon teint que le Quatuor Akilone reprendra en bis.

Quatuor Akilone. Photo : DR

Les quatre musiciennes, qui ont Ă©tĂ© les Ă©lĂšves de Vladimir Mendelssohn au Conservatoire National SupĂ©rieur de Musique de Paris et qui sont actuellement soutenues par le Festival des Arcs qui leur offre Ă  l’annĂ©e le soutien de grands pĂ©dagogues a ensuite donnĂ© une interprĂ©tation trop retenue et contrainte, au point d’apparaĂźtre parfois timorĂ©e, du Quatuor Ă  cordes en rĂ© mineur op. 76/2 « les quintes » de Haydn, dĂ©fait de la luminositĂ© gĂ©nĂ©reuse et sensuelle propre au maĂźtre viennois, avant de se faire plus engagĂ©es et en concordance avec les Ă©lans fiĂ©vreux et passionnĂ©s du Quatuor Ă  cordes n° 2 « Lettres intimes »que Janáček a composĂ© peu avant sa mort en 1928 comme une suite en quatre lettres d’amour sans paroles Ă  son Ă©gĂ©rie Kamila Stöslova, femme mariĂ©e de quarante ans sa cadette. Pour amplifier la portĂ©e Ă©motionnelle de l’Ɠuvre, le compositeur morave avait confiĂ© tout d’abord la partie d’alto Ă  une viole d’amour, avant de revenir Ă  l’alto, instrument plus apte Ă  rĂ©pondre Ă  la difficultĂ© de cette partie. Il convient d’ailleurs de saluer la remarquable prestation de l’altiste du Quatuor Akilone, Louise Desjardins, ainsi que de la violoncelliste Lucie Mercat, tandis que la second violon, Elise De-Bendelac, est apparue plus contrainte, alors que le premier violon d’Emeline ConcĂ© a manquĂ© d’assurance et de carnation. Mais toute quatre se sont gĂ©nĂ©reusement engagĂ©es dans la conception globale de l’Ɠuvre qui s’est pleinement Ă©panouie dans le finale.  

Fine Arts Quartet. Photo : (c) Fine Arts Quartet

C’est Ă  Arc 1600, dans la Coupole, qu’était offert le concert du soir. Le Fine Arts Quartet de Chicago a donnĂ© une lecture ardente et particuliĂšrement sensible du Quatuor Ă  cordes en fa majeur classĂ© par Marcel Marnat comme opus 35 que Maurice Ravel (1875-1937) composa en 1904 avec une dĂ©dicace pour son professeur de composition, Gabriel FaurĂ©. Une interprĂ©tation saisissante des quatre archets de l’Illinois, oĂč le premier violon, Efim Boico, le violoncelle de Robert Cohen et, surtout, l’alto de Juan-Miguel Hernandez ont Ă©rigĂ© un dialogue affable et voluptueux exaltant des sonoritĂ©s Ă©panouies et charnelles, le second violon de Ralph Evans y apportant sa touche aussi discrĂšte qu’efficace de couleurs et de flamme.

Peyee Chen. Photo : (c) Peyee Chen

Cette grande page de Ravel a prĂ©cĂ©dĂ© Traces VIIpour soprano et dispositif Ă©lectronique en temps rĂ©el de Martin Matalon, malencontreusement donnĂ©e sous la Coupole d’Arc 1600 oĂč s’était noyĂ©e quatre jours plus tĂŽt Traces VIII pour violon et dispositif Ă©lectronique en temps diffĂ©rĂ©. Ecrite en 2008 pour soprano Ă  la demande de l’ensemble Sillages, cette piĂšce est constituĂ©e d’un prologue, trois mouvements et un Ă©pilogue, le tout se prĂ©sentant sous la forme d’un arc, l’épilogue Ă©tant semblable au prologue, mais en moins complexe. C’est Ă  une Ă©lĂšve de Donatienne Michel-Dansac, sa crĂ©atrice, la soprano taĂŻwanaise vivant Ă  Manchester Peyee Chen, expressĂ©ment venue aux Arcs pour l’occasion, qu’a Ă©tĂ© confiĂ©e l’interprĂ©tation de cette page qui met judicieusement en valeur les particularitĂ©s de la voix et du timbre de soprano colorature enrichis de la technologie informatique. Peyee Chen s’est avĂ©rĂ©e digne de la confiance de Donatienne Michel-Dansac, cristallisant l’attention du public profane rĂ©uni dans l’enceinte pourtant peu favorable de la Coupole oĂč le son se perd Ă  l’aplomb du sommet du dĂŽme. Autre voix, celle plus profonde et moelleuse de la clarinette somptueusement sollicitĂ©e en 1891 par Johannes Brahms dans son sublime Quintette pour clarinetteetcordes en si mineur op. 115. Florent Pujuila a enchantĂ© la Coupole de ses sonoritĂ©s brĂ»lantes et enjoleuses, exaltant le merveilleux chant d’amour de l’Adagio, dĂ©licatement enveloppĂ© par les cordes d’un quatuor de fins chambristes constituĂ© pour l’occasion rĂ©unissant les violons de Pierre Fouchenneret et Richard Schmoucler, l’alto de Vinciane BĂ©ranger et le violoncelle de RaphaĂ«l ChrĂ©tien, qui a magnifiĂ© les cinq variations du finale de ses timbres de braise.

Vendredi 25 juillet

Martin Matalon et Véronique Lentieul. Photo : (c) Bruno Serrou

L’ultime concert entendu durant mon sĂ©jour aux Arcs a Ă©tĂ© donnĂ© sous une pluie torrentielle d’orage qui rebondissait bruyamment sur la toiture du Centre Taillefer d’Arc 1800. Ecrivons sans attendre que cette soirĂ©e a valu pour la seule seconde partition pour violoncelle du cycle Traces de Martin Matalon. ComposĂ©e en 2013 pour Alexis Descharmes, qui l’a créée le printemps dernier Salle Cortot Ă  Paris lors du concert de prĂ©figuration du Festival des Arcs 2014, Traces IX pour violoncelle et dispositif Ă©lectronique est l’une des pages les plus courtes du cycle. Elle n’en est pas moins d’une exigence supĂ©rieure de la part de son interprĂšte, dont la virtuositĂ© est continuellement sollicitĂ©e, puisqu’il doit attester d’une constante vĂ©locitĂ© dans tous les modes de jeux, du pianissimo le plus Ă©thĂ©rĂ© au fortissimole plus consistant, avant de retourner peu Ă  peu vers le silence, jouant de toutes les capacitĂ©s de son instrument, de l’expressivitĂ© la plus lyrique au pizz BartĂłk le plus sec, en passant par la percussion sur le flanc du violoncelle, l’archet sur le chevalet, de diverses sourdines, etc. La partie Ă©lectronique magnifie le son de l’instrument qui atteint ainsi la consistance d’un ĂȘtre de chair et de sang. Alexis Descharmes s’est avĂ©rĂ© en communion avec les intentions du compositeur, maĂźtrisant totalement l’Ɠuvre qui, sous son archet et ses doigts, prend sans attendre la dimension d’un classique d’aujourd’hui.

Alexis Descharmes et Martin Matalon. Photo : (c) Académie-Festival des Arcs

Encadrant cette page impressionnante de Martin Matalon, deux Ɠuvres moins convaincantes, l’une Ă  cause de son interprĂ©tation, l’autre en raison de son inspiration. La premiĂšre, la plus courue de Luciano Berio (1925-2003), les Folk Songs pour voix, flĂ»te (aussi piccolo), clarinette, harpe, alto, violoncelle et percussion, a souffert d’une exĂ©cution sommaire, avec une soliste contrainte et lointaine, Elsa Maurus, et une direction sans conviction de Pierre Roullier, malgrĂ© la prĂ©sence d’excellents instrumentistes, Silvia Careddu (flĂ»te), Philippe Carrara (clarinette), Pierre-Henri Xuereb (alto), Flaurent Audibert (violoncelle) et Eve Payeur (percussion). Pour sa derniĂšre prestation de l’étĂ© aux Arcs, le Fine Arts Quartet s’est associĂ© au piano attentif de Jean-Claude Vanden Eyden pour interprĂ©ter de fastidieuses Les Muses andalouses op. 93/9 de JoaquĂ­n Turina, qui ont nĂ©anmoins permis au second violon du Fine Arts, Ralph Evans, d’imposer son talent, tandis que l’on eut apprĂ©ciĂ© que la voix de la soprano Ruth Rosique eut davantage Ă  exprimer que le trĂšs court finale de cette trop longue partition en neuf mouvements


Bruno Serrou
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